La poursuite de l’associé d’une SCI en liquidation judiciaire

La poursuite de l’associé d’une SCI en liquidation judiciaire

L’article 1858 du code civil prévoit la possibilité pour le créancier d’une SCI en liquidation judiciaire de poursuivre directement les associés de la société, à une double condition :

  • que la créance ait été déclarée au passif de la société dans les deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure au Bulletin Officiel des Annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal d’annonces légales du lieu de la société débitrice (article R. 622-24 du Code de commerce).

Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement …

  • que les poursuites contre la société aient été infructueuses 

… et vainement poursuivi la personne morale.

Concernant cette dernière condition, la cour de Cassation a déjà eu l’occasion de préciser dans un arrêt de chambre mixte du 18 mais 2017 (n°05-10.413) qu’en cas de liquidation judiciaire, le créancier n’a pas à démontrer l’insuffisance du patrimoine social, il en est “dispensé”.

Pour faire simple : le créancier qui a déclaré peut poursuivre directement les associés de la SCI en liquidation judiciaire.

Cependant, cette action est enfermée dans le délai de prescription de 5 ans à compter de la publication de la dissolution de la société, ainsi que le précise l’article 1859 :

Toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société.

La question s’est posée de l’interruption du délais de prescription.

La déclaration de créance interrompt la prescription à l’égard du débiteur.

En pareil cas, rappelons que l’interruption efface le délai de prescription acquis, et fait courir un délai de même durée que l’ancien (art. 2231 C. civil). 

Cependant, quel est le point de départ de ce délai ? Peut-on considérer que ce nouveau délai commencera à courir à la date du certificat d’irrecouvrabilité ?

Telle était la thèse soutenue par un créancier que le mandataire avait payé par acompte durant  plusieurs années, et qui ne s’était décidé à exercer son action qu’une fois informé de la totale impécuniosité du débiteur par la délivrance du certificat d’irrecouvrabilité : selon lui son action ne pouvait pas être prescrite, puisque de bonne foi il l’avait exercée une fois certain de ne plus pouvoir être payé.

La Cour de cassation rejette cette thèse dans un arrêt du 20 mars 2019 .

“En cas de liquidation judiciaire d’une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d’établir l’insuffisance du patrimoine social ; qu’il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n’est pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé ; qu’ayant relevé que, s’il n’était pas établi que le jugement de conversion ait été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, la Caisse avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d’appel en a exactement déduit que la Caisse n’était pas dans l’impossibilité d’agir contre M. R…, de sorte que l’action exercée contre ce dernier le 12 février 2015 était prescrite”.

Dès lors les choses sont claires : si la déclaration de créance interrompt la prescription, le délai pour agir contre les associés de la SCI liquidée commence à courir au jour de la déclaration parce que justement la seule liquidation judiciaire suffisait à satisfaire à la condition de vaines poursuites de l’article 1858 du code civil. 

Le Cour de cassation précise que l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance au passif de la procédure collective d’une société ne prive pas l’associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d’opposer au créancier la prescription de l’article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l’action du créancier contre l’associé.

 

Cour de cassation, chambre commerciale, Audience publique du mercredi 20 mars 2019